Cela devait être le troisième ou le quatrième de la journée. Je ne les comptais plus, ces hommes, ces femmes, toutes ces choses dotée d'un sexe entre les jambes. Certains vous diront que la pire des choses qui puisse vous arriver est la perte d'un être chers, d'autres vous diront que c'est de se sentir oublié, moi je peux vous confirmer que c'est de se perdre soi-même et toute notion de ce que nous sommes.

Au début, c'était un petit jeu, entre un dominant et un dominé, en ne sachant plus qui avait quel rôle. Et d'un jeu, c'était devenu un véritable métier. Je savais pourquoi je me levai le matin et je n'avais plus honte de l'argent que je tenais entre les mains lorsque je payais ma nourriture.

Il plaça sa main dans le creux de ma nuque et me força à me pencher en avant. « Tu vas être une gentille fille poupée, tu vas obéir à Papa », disait-il. Je déboutonnai son pantalon et m'exécutai, écoutant son souffle rauque battre la mesure du plaisir malsain. Quand il en eut assez, il me tira les cheveux en arrière, me jeta sur le lit et dit « Mets toi à quatre pattes, je vais te baiser comme jamais tu ne l'as été avant ». Je m'installai et il s'amusa avec mon corps meurtri, puis il quitta la pièce en balançant un billet dans le cendrier. Lorsque le bruit de ses pas cessèrent de se faire entendre dans le couloir, je me levai, pris ma veste trouée, l'argent, et quittai le motel dans lequel je faisais mes passes et une fois dans la rue, j'enlevai mes chaussures à talons trop petites et arpentai les rues sombres de Los Angeles en gémissant à chaque pas, sous la douleur de mes pieds sanglants.

A mon arrivée à Los Angeles, les rues me faisaient peur. Bien qu'à Varsovie – ma ville natale – les rues n'étaient pas des plus apaisantes, elles semblaient être de sable blanc à côté de celles-ci. Mais à force d'usure (il n'était plus question d'habitude dans mon cas), la froideur et le côté morbide de la cité des Anges me semblaient familiers.

Arrivée devant chez moi, je fis tomber mon trousseau de clés, et alors que je me penchai pour le ramasser, un homme passa près de moi et dit « Bah alors, on nous montre son cul ? » Je me redressai et il m'attrapa par les hanches. Je tentai de me débattre mais il me dit « Tu crois que je ne sais pas ce que tu fais de tes journées ? Un de plus ou un de moins, tu ne verras pas la différence, Putain ». Il mit une main contre ma bouche pour m'empêcher de crier à qui pouvait m'entendre, et descendit son autre main sous ma jupe et se mit à me caresser. Quand il commença à essayer de me pénetrer avec son doigt, je lui mordis violament la main, ce qui lui fit faire un mouvement de recul. Il porta sa main endolorie à la bouche pour atténuer la douleur, et j'eus, pendant ce temps, l'opportunité de me précipiter à l'intérieur de mon immeuble. Je claquai la porte derrière moi et pus l'entendre dire « Tu crèveras salope, tu m'entends ? J'aurais ta peau, vieille pute de merde ! ». Je me précipitai alors jusqu'à la chambre qui me servait de logis et découvris mon petit bonhomme endormi sur la table dans ce que nous avions appelé de façon certes idyllique « coin cuisine ». Je le pris dans mes bras et le mis dans notre lit. « Bonne nuit mon adoré », lui dis-je en caressant ses cheveux épais, avant d'ajouter davantage à moi-même : « demain est un jour nouveau », en étant tout de même persuadée qu'il serait identique à celui-là.