Sadie Roisin O'Connell me fut confiée après l'assassinat de ses parents, sans doute commandité par la Pègre. A priori, n'y ayant pas assisté, elle ne se retrouvera pas être une cible potentielle, et tout est fait pour lui cacher la raison du décès de ses parents. Je doute toutefois qu'elle reste dans le droit chemin, peu de gamins y parviennent après avoir été placé en orphelinat, et elle est désormais trop gée pour espérer une adoption. Sans compter qu'elle ne se plaît pas ici, et je redoute qu'un de ces jours, elle ne nous fasse faux bon. -- Mary Downey, directrice de l'Orphelinat St Jude.

Sadie est l'une des filles en qui l'on peut avoir confiance. Bon, elle ouvre pas les cuisses comme ça, mais elle a suffisamment d'autres talents pour se révéler utile. C'est une comédienne hors pair, et elle sait parfaitement quoi faire pour faire tourner quelqu'un en rond ou lui faire lui obtenir ce qu'elle veut. Elle veut devenir actrice, elle est suffisamment bien roulée et sera tout à fait à sa place dans un tel milieu de requin. Et puis, elle a de la classe alors qu'on l'a tiré du caniveau. Grayson sait s'y prendre pour dresser les filles, mais celle là, il en a fait quelqu'un. M'est avis qu'elle ira loin, surtout si elle continue à prouver qu'elle est si utile. C'est une vraie tombe, rien à craindre pour ça. C'est une des nôtres, une vrai, d'ailleurs elle n'hésite pas à balancer ceux pour qui elle doute de la loyauté. Ouaip, une bonne petite, et qui n'a pas froid aux yeux. -- Joshua Jacob, petite frappe de la pègre

Sadie est une jeune fille douée, intelligente et travailleuse. Elle est cultivée et elle plaît beaucoup, je n'ai aucune plainte et que des éloges à son sujet. C'est une serveuse assidue, et une excellente hôtesse qui sait parfaitement contenter les désirs des clients. Elle s'adapte à eux, et c'est un jeu auquel elle excelle. Avec elle, je sais que je ne peux pas me tromper. Elle peut être la fille de basse condition comme passer pour une lady. -- Lloyd Werber, gérant du casino


Micheal O'Connell, immigré irlandais depuis trois générations était un bon New Yorkais comme il en existe des milliers dans la grosse pomme. Travailleur, cela ne l'avait pourtant jamais mené très loin. Avec la crise, le brave ferronier s'était retrouvé du jour au lendemain sans boulot, et avec bien peu de perspective d'avenir, et la responsabilité d'une femme et de sa fille sur les bras.

Sadie Roisin O'Connell avait vu le jour dans la grosse pomme, en 1925. Micheal avait épousé Mary-Ann Cooper, une new yorkaise pur jus, malgré les attentes de ses parents. Si elle n'était pas rousse, au moins elle était catholique, et il n'en fallait pas plus pour faire le bonheur de ces petits commerçants modestes qui tenaient le pub familial. Un joli mariage d'amour sans autre prétention. Deux ans plus tard, Micheal avait un bon travail, les travaux requérant ses services ne manquaient pas, et l'arrivée de Sadie fut la cerise sur le gâteau, et le petit couple nageait dans le bonheur.

Mais en 29, lorsque la crise les frappa de plein fouet, leur train de vie se dégrada rapidement. Sans travail, ils se retrouvèrent à donner un coup de main au Pub qui finit rapidement par mettre quand même la clef sous la porte. Désabusé, les grands parents O'Connell mirent leurs dernières économies dans un billet pour l'Irlande. Micheal et Mary-Ann ne purent envisager de les suivre, l'Amérique était tout ce qu'ils avaient. Finalement, remarqué pour son physique de videur, Micheal se retrouva embarqué dans des boulots pas tout à fait légaux. Intimidations, secouage de puces dans les petites impasses de Hell's Kitchen. La promesse d'un vrai boulot à Los Angeles lui fit quitter New York, avec l'espoir d'une vie meilleure. Mais ce ne fut que le temps d'un chantier, et de nouveau, il se retrouva pris dans la spirale de la Pègre. Il petit groupe d'irlandais l'avait abordé. De la collecte au racket dans le quartier des immigrés il avait finit par se retrouver à gêner la pègre principale.

Et on ne plaisante pas avec la pègre de L.A.

Sadie avait tout juste cinq ans lorsque des hommes firent irruption chez elle, et assassinèrent ses parents, son père pour l'exemple parce qu'il n'y avait qu'une mafia à L.A., et que la rouquaille irlandaise pouvait aller se faire voir en enfer, sa mère parce qu'elle s'était jetée au milieu pour défendre son mari. Sadie n'en sut jamais rien. Tout ce qu'elle sut, c'est qu'elle jouait dans la rue un peu plus bas avec d'autres enfants, et qu'en rentrant chez elle, elle avait trouvé ses parents dans une marre de sang. Elle n'avait aucune idée des activités de son père, et ne savait même pas ce qu'était la pègre. Livrée à elle même, elle fut placée dans un orphelinat d'où elle ne tarda pas à fuir. Les flics l'y avaient placés, c'était comme une prison pour les enfants ? Elle rejoignit la rue, parfois elle lui semblait bien plus accueillante. A partir de là, elle ne fut plus jamais seule. C'était une gamine famélique, aux yeux de chats, mauvaise mais avec un minois à lui donner le bon dieu sans confession. On grandit vite dans la rue. Toutefois, elle n'y resta pas longtemps, quelques semaines tout au plus, à vivre avec les autres enfants des rues de vols à l'étalage et de vidage de poche. Mais les grands s'étaient fait recruter. Dealers, guetteurs, certains avaient rejoint les rangs des rabatteurs pour la prostitution, d'autres joueraient les gros bras pour les matchs de boxe clandestins ou pour effrayer les pauvres commerçants. Sadie elle, fut ramassée par un certain Jonas Grayson.

Jonas était un homme influent au sein de la pègre. Sadie lui avait fait les poches alors qu'il était attablé à un café, et même s'il l'avait rattrapé deux rues plus loin, cela lui suffisait. Sadie savait ce qui arrivait aux jeunes filles que les gars comme lui emmenaient loin de la rue, ou du moins en constatait les résultats. Elles disparaissaient. Mais quand les autres en parlaient, cela avait l'air bien plus terrifiant que ce qui l'attendait.

Jonas Grayson la tira de la rue, lui offrit un toit dans sa superbe maison où les mamas s'affairaient autour d'elle, et trois repas par jour. Il la fit habiller dans les plus jolies robes. Il avait perdu sa fille et sa femme dans un accident de voiture, et Sadie n'en était pas consciente mais il s'était pris d'affection pour cette petite fille qui ressemblait tellement à la sienne. Et en effet, il l'éleva comme sa fille. Il transforma le chat sauvage en une jeune fille disciplinée, cultivée, avide d'apprendre et surtout, totalement dévouée à son père adoptif. Sadie grandit dans un milieu des plus particuliers, et côtoyaient les hommes les plus redoutés de L.A. sans même en être consciente. Elle devint rapidement une petite mascotte, parce qu'elle n'avait pas la langue dans sa poche, et savait déjà jouer de son apparence. Elle fut toujours très bien traitée dans cette famille agrandie où chaque visage lui était familier.

Sadie n'a pas vraiment eu à se plaindre de son enfance. Oh, bien sur, elle n'a pas eu un poney pour ses douze ans -de toute façon, elle n'aurait pas su quoi en faire-, mais elle a eu une éducation exemplaire digne d'une Lady, Jonas y a personnellement veillé. Mais à côté de ça, elle a traîné ses chaussures dans des endroits bien moins recommandables que les bancs de l'université où elle n'est jamais allée. Sadie a acquis des connaissances tout aussi utiles qu'elle est fière de mettre au service de ceux qui sont sa vraie famille.
Mais elle a été privilégiée, pas de doute. Et Sadie ne l'oublie jamais. Elle sait d'où elle vient, et à qui elle doit sa vie d'aujourd'hui. Elle n'est peut-être pas parfaite, mais de là où elle était partie, elle ne pouvait pas trouver mieux. Elle était sortie de la rue, avait reçu une éducation, avait été tenue grâce à son bienfaiteur, loin des réseaux de drogues et de prostitution.

En retour, Sadie s'est montrée très tôt des plus utile. Personne ne prête attention aux enfants et il n'y a pas meilleur espion. Pickpocket hors pair, elle a le visage de tout le monde et se fond dans la masse. Personne n'y prête attention, et c'est ce qui fait sa force et sa meilleure utilité. D'ailleurs, Jonas s'en est vite rendu compte, et a modelé sa Galatée dans cette voie. Sa petite infiltrée était un parfait petit espion.

Sadie a ainsi grandit dans un milieu tout à fait particulier. Certains pourraient dire qu'elle allait droit dans le mur, qu'elle aurait une vie à en avoir honte, qu'un milieu de criminel ne pouvaient pas élever un enfant. Pourtant, Sadie fut véritablement heureuse dans cette grande famille où chacun veille sur les siens, et où seul le mérite, non l'origine ou la fortune, faisait gravir les échelons. La dévotion, la loyauté, Sadie l'avait, et elle eut l'occasion de le prouver plus d'une fois. Oui, les modèles féminins qu'elle avait étaient les bonnes de Grayson, et les prostituées du bordel qu'il gérait. Oui, Sadie n'a jamais pu avoir une vision manichéenne des choses, et son monde se distingue en nuances subtiles de gris. Mais cela lui a permit de ne pas perdre ses illusions et d'avoir un regard réaliste sur la vie, sans trop en attendre.

Parvenue à l'adolescence, son engagement dans la pègre s'intensifia. Il n'était plus juste question que de transmettre des messages, faire passer des colis, faire des poches, écouter aux portes. Non, Sadie voulait plus. Elle voulait rendre un peu de ce qu'on lui avait donné. Elle n'avait pas à se plaindre, elle avait été traité avec décence alors que ce n'était pas le cas de toute les filles. Elle était libre. La pègre l'avait rendue libre. Et elle ne se fit pas prier pour accepter ses services. A ses seize ans, Sadie quittera son ancien nom pour adopter celui de son protecteur. Un engagement plus que symbolique. Elle faisait partie de la famille, son passée était loin derrière elle.Totalement dévouée, tous savaient qu'elle était digne de confiance. Peut-être pas jusqu'aux plus haut niveaux, mais parmi les petites mains, on pouvait compter sur elle. Sadie avait développé la faculté de ressembler à n'importe qui, de se fondre dans le paysage, de ne pas attirer l'attention sur elle. Mais elle commença aussi à développer celle d'être ce que l'auditoire attendait d'elle. Elle apprit à jongler avec les masques, à incarner n'importe quel rôle pour servir les intérêts de sa famille. Un brin manipulatrice, elle a apprit patiemment à décoder les gens et à s'adapter à ce qu'ils attendaient. Elle devint rapidement un excellent élément pour des missions d'infiltration qu'il s'agisse d'obtenir des informations, de séduire quelqu'un d'important pour en soutirer quelque chose. Sa culture, et son adaptabilité lui permettent de se glisser dans tous les milieux. Excellente comédienne, elle sait passer du sourire aux larmes pour obtenir ce qu'elle veut. Cela lui a souvent sauvé la mise dans des situation épineuses, ou lorsqu'elle a finit par faire quelques allers et retours au poste. Heureusement, elle fait partie des gens qui préfèreraient arracher leur propre langue plutôt que de parler, et elle n'a que très rarement passé quelques heures derrière les barreaux. D'autres pour moins auraient été executés, mais c'est un bon chien qui n'aboie guère, et tout le monde le sait. Surtout ceux qui sont prêts à trahir la pègre, Sadie est connue pour sa perspicacité, et elle n'hésite pas à balancer ceux qui sont faibles.

Sadie se met ainsi totalement au service de la pègre, et enchaine les petits boulots pour subsister bien qu'elle sait qu'on ne la laissera plus jamais dans la rue. Elle les obtient grâce à la pègre d'ailleurs, souvent pour en retirer quelque chose. Serveuse, employée, femme de ménage pour faire les chambres en toute discrétion, croupière, dealeuse occasionnelle bien qu'elle ait cette activité en horreur d'avoir vu tant de filles mourir d'overdose, tout est bon à prendre. Elle est une excellente fileuse, et son talent de dessinatrice lui permet de croquer les visages aussi bien qu'une photographie, et en bien plus discret. La seule chose à laquelle elle ne touchera pas, ce sera la prostitution. Si à de nombreuses occasion elle a pu servir d'escorte pour des soirées mondaines, ce n'est jamais allé plus loin, et elle y tient, soutenu par Jonas qui ne laissera jamais personne la forcer à faire quoi que ce soit. A côté, elle est loin d'être prude, mais c'est la seule chose qu'elle conserve comme était son jardin privé. Elle s'est vue plusieurs fois amenée à exécuter des témoins gênant, des trouble fête, des gens qui voulaient du mal à la mafia, à sa famille. Elle n'en garde aucun remord, elle n'a fait que ce qu'on lui avait demandé, à savoir pour la plupart du temps, donner la mauvaise drogue, ou vider le contenu d'un petit sachet dans un verre de whisky. Petit à petit, année après année, elle acquiert de plus en plus de confiance jusqu'à ce que tout le monde s'accorde sur sa loyauté. Aucun visage de la pègre ne lui est étranger, et physionomiste comme elle est, cela lui est vraiment utile. Petit à petit, elle grimpe dans les sphères. Jamais elle ne dirigera quoi que ce soit, c'est une femme après tout. Mais elle devient un instrument des plus pratique et des plus utilisé, surtout pour des missions qui ne peuvent être confiés qu'aux plus dévoués et loyaux agents. Et surtout, Sadie se targue de pouvoir démasquer les traîtres, excellente juge de caractère, elle n'est pas du genre à être dupée, elle sait trop comment le faire, et sent le mensonge à des lieues à la ronde.

Sadie finira ses études très tôt, et n'ira jamais à l'université. Ce n'est pas son but dans la vie, même si elle aime lire, apprendre, savoir. Tout ce dont elle rêve, c'est d'être actrice. Mais le milieu est rude, même avec le soutien de la pègre. C'est aussi ce qui la rend dévouée, toute seule elle n'y arrive pas, mais qu'elle se fasse vraiment remarquer en haut, et elle réussira à se faire dégoter une place. En attendant, elle enchaîne les petits boulots.

Aujourd'hui, Sadie travaille au casino, une position de choix en tant que serveuse où personne ne fait attention à elle, et en occasionnelle hôtesse. Cela lui permet d'approcher le gratin de L.A. pour remplir toute les tâches qu'on lui donne. Ca ne paie pas de mine, mais cela lui permet d'être au coeur de l'action, et de saisir l'opportunité de briller. Elle rêve aussi de découvrir le monde, mais elle reste profondément attachée à L.A., son monde. Elle n'a d'ailleurs aucune raison d'en partir. Pas une seule fois elle n'a remis en question la Pègre. C'est la seule chose qu'elle a connut, et vivre honnêtement sans avoir une richesse héritée conduisait de toute façon les gens dans la rue. Et si quelque chose la terrifiait bien, c'est cela. Elle est tout à fait consciente qu'elle ne pourra de toute façon pas aspirer à une autre vie, et elle se satisfait de sa condition. Véritable matérialiste, tant qu'elle a un toit au dessus de sa tête, et qu'elle a de quoi manger, elle ne se pose pas de question. Le monde n'est pas noir ou blanc, surtout à L.A.

De son enfance, Sadie ne conserve que quelques bribes. Pour tout dire, elle ne s'y intéresse pas, tout ce dont elle se rappelle, c'est le climat d'inquiétude qui régnait, les privations, et puis la disparition de ses parents, et la rue. Aujourd'hui sa famille c'est la Pègre, le reste lui importe peu. Elle n'a aucune envie d'en savoir plus, et ne soupçonne pas que son père a été abattu par les mêmes hommes qui l'ont élevé. La guerre, elle ne l'a pas vraiment vécue, elle n'en a entendu que des murmures. Elle lui a donné du travail, lui a permit de s'émanciper un peu. Le racisme, l'anti-communisme, la peur de l'Allemand, tout celà, elle ne le connait pas. Elle ne juge les gens qu'à ce qu'ils font, pas à l'endroit d'où ils viennent ou à leur couleur de peau.