Tu veux savoir mon histoire, mec ?
Elle est si banale. Je suis le fils d'un militaire et d'une blanchisseuse. Jusqu'à là, rien d'exceptionnel, sauf que je n'étais pas le fruit de l'amour. Mais, plutôt le fruit de la libido d'un homme qui ne pouvait s'empêcher de se fourrer dans n'importe quelles cuisses chaudes et humides. Le problème était que ma mère avait déjà trois mouflets sur les bras et qu'elle ne voulait clairement pas d'un quatrième. Alors, elle était bien décidée à se débarrasser de moi à l'ancienne, c'est-à-dire un coup d'aiguille ou de la javelle diluée chaque matin dans son thé. Mais, pas de bol, mon père était croyant alors il a voulu qu'elle me garde. Je suis donc né dans une famille qui n'a jamais vraiment voulu de moi. Après, il ne faut pas en vouloir à ma mère. J'étais une bouche de plus à nourrir. J'ai très vite compris que je passerais en dernier, que cela soit pour la nourriture ou les vêtements. Toute journée était un combat et la rue finalement se terminait par être le meilleur endroit pour moi. Mes frères m'ont appris au moins une chose : à voler sans trop attirer l'attention. Rien de vraiment dangereux, une pomme, un morceau de pain ici et là. Au pire, je terminais avec un coup de bâton. Et à force de traîner dans la rue, j'ai fini par ne plus revenir chez moi. Je me débrouillerais. Je n'étais pas seul.

On était un petit groupe de gamins,
J'ai commencé, à vendre du coca-cola au coin des rues, mais finalement avec la corruption, le prix était beaucoup trop élevé. C'est qu'on devait payer et se battre pour sa place. Vous m'avez vu ? Je n’ai clairement pas les épaules pour ça. Mais, ne soyez pas malheureux pour moi, c'était des années d'insouciances. On courrait dans les rues les jours de pluie. On se moquait de ne faire qu'un repas par jour ou de se laver que lorsqu'une borne à incendie explosait à un carrefour. On se faufilait dans les cinémas sans payer. On fumait comme les grands. On feuilletait des magazines de lingerie jetés aux ordures. Attention ! Hautement érotique et interdit pour l'époque. C'est comme cela que j'ai commencé à comprendre que je n’étais pas fait comme mes petits camarades. J'ai bien essayé les filles, mais bon voilà...Alors, j'ai commencé à traîner avec certaines personnes. Comment et pourquoi, je ne sais pas ? Ils étaient ces profs et ces hommes du music-hall qui aimaient passer du temps avec nous. L'histoire les appellera des pédérastes, mais pour moi ils étaient ces hommes qui nous offraient des repas chauds. C'est avec l'un deux que j'ai découvert pour la première le goût d'un milk-shake. Peut-être les seuls à se soucier de nous, alors oui on devait faire ces choses vilaines, mais sans eux je serais sûrement mort dans un coin. Alors, non, je ne pourrais pas leur jeter la pierre.

J'ai grandi. J'ai survécu.
J'ai fait plein de petits boulots. Maintenant, je vends des cigarettes. J'arpente les rues toute la journée. Je ne mange qu'une fois par jour et la douche et bien quand je peux. Je me fais quelques billets en rencardant les poulets. C'est que je vois tout. Je n’ai pas vraiment de domicile fixe. Je me couche là où il y a de la place. Mais, jamais dehors, je ne suis pas un gitan. J'ai ma dignité. J'aime être toujours correct. Déjà, qui achèterait des cigarettes à un gamin mal fagoté ? Enfin, je traîne souvent le soir dans les coins connus des Invertis. Je soulage. J'aide contre quelques billets. Bien sûr, je ne m’en vente pas. Je ne veux pas finir la gorge tranchée à me vider dans un trottoir. On me connaît sans me connaître. Je m'appelle Sydney Simmons et c'est ma vie mon pote.