Le père de Sonny c’était « Daddy » Bowen, activiste parvenu et propagandiste du Ku Klux Klan. Daddy Bowen s’était enrichi en vendant des klanneries kitschissimes pendant l’âge d’or du Klan dans les années 20. Daddy avait engendré son fils Sonny en dehors des liens du mariage et renvoyé Louisa Dunn Hudgeons dans le Kentucky. Sonny avait grandi dans les kamps du Klan. Daddy haïssait les juifs, les papistes et les nègres. Et il comprenait bien que le klan était une mascarade. Daddy se hissa jusqu’au grade d’Auguste Cyclope. Daddy vendait des robes du Klan kustomisées, divers akkoutrements et autres défrokes, et même de la haute kouture pour la race kanine. Daddy s’enrichit, porté par le boom des années 20. Ce qui le fit chuter, ce fut une histoire de viol dégénérant au suicide. Le grand dragon qui lui servait de mentor agressa une jeune femme dans un train. Elle mit fin à ses jours en absorbant du mercure. L’histoire fit couler beaucoup d’encre. Une censure féroce entraîna la disgrâce du Klan dans l’opinion publique. Les politiciens soutenus par le Klan furent évincés en masse. Daddy chercha de nouvelles perspectives et investit massivement en bourse. Sa fortune s’accrut régulièrement jusqu’au jour noir de 1929.
Sonny avait alors 19 ans. Ils perdirent leur grande maison à Denver, Colorado et s’installèrent à merdeville, Oklahoma. Daddy imagina un scenario pour s’enrichir rapidement et distribua des tracts racistes. Les crétins de l’Oklahoma adorèrent les karikatures, les kommentaires et les invektives lancées à Franklin D (pour déloyal) Roosevelt (alias Rosenfeld). Daddy Bowen finit par lâcher la rampe, emporter en 31 par une cirrhose du foie.
Été 1931, Lizzard Ridge, la crête aux lézards, Oklahoma. Une ville de bouseux qui se mourait dans les poumons du poussier. Elle n’avait qu’une source de revenus : une usine qui fabriquait des tatous empaillés comme souvenirs, des sacs à mains en tatou et des portefeuilles en cuir de gila qu’elle revendait aux touristes qui défilaient à toute vitesse sur la grand-route. Les gens du cru et les indiens sortis de leur réserve abattaient et écorchaient les reptiles avant de les revendre à l’usine à la pièce ; parfois ils se laissaient emporter et s’abattaient les uns les autres. Puis les tempêtes de poussières de 31 obligèrent à la fermeture de la route US1 pour 6 mois d’affilée, les tatous et les gilas devinrent complétement cinglés à force de manger les mauvaises herbes, ils tombaient malades et se trainaient pour crever dans un coin ou bien envahissaient la rue principale de Lizard Ridge où ils se faisaient écrabouiller par les voitures. D’une manière comme d’une autre, leurs peaux étaient trop abimées ou trop fripées pour rapporter le moindre centime à quiconque. Sonny Bowen, champion des tueurs de gilas, capable de vous épingler ces salopards à 30 m avec une 22 (en plein dans la colonne vertébrale, là où l’usine cousait les plus gros points) sut que le temps était venus de quitter la ville.
C’est ainsi qu’il alla à LA et trouva du travail dans le cinéma : figurant cow-boy tournant Paramount un jour et Colombia le lendemain. Les compagnies de seconde zone de Gower Gulch quand les temps se faisaient difficiles. Tout blanc raisonnablement vêtu, capable de vous boucler une corde et de monter à cheval pour de bon était du personnel qualifié dans l’Hollywood de la dépression. Mais en 34, la tendance fit remplacer les westerns par des comédies musicales. Le travail se fit rare. Il était sur le point de passer un concours proposé par la compagnie municipale des bus de LA (3 postes pour 600 candidats attendus) lorsqu’il dut à nouveau son salut à Hollywood.
Les studios Monogram étaient assiégés par des piquets de grévistes, un regroupement de plusieurs syndicats sous la bannière de l’American Federation of Labour. Il fut engagé comme briseur de grèves (5 dollars par jour, emploie garanti en prime une fois la grève étouffée). Il cassa des crânes pendant 2 semaines d’affilée, montrant un tel talent avec son bidule, qu’il y gagna la sympathie d’un flic qui venait là une fois son service terminé et qui le présenta au capitaine James Culhane, chef de la brigade anti-émeute du LAPD. Cuhlane savait reconnaître un policier-né quand il en voyait un. 2 semaines plus tard, Sonny était de rondes à pieds à LA, centre-ville. Un mois plus tard instructeur de tir à l’académie de police à apprendre à tirer à la 22 aux bleues et à monter à cheval pour les policiers montés. Il gagna ses galons de sergent et se retrouva successivement en poste aux fraudes, aux cambriolages et à la grosse galette : les stupéfiants.
Le service des stups s’accompagnait d’une éthique non écrite : vous alpaguez les déchets de l’humanité, vous faîtes votre circuit dans la merde jusqu’aux genoux et vous récoltez votre dispense. Si vous êtes régul au boulot, vous ne caftez pas ceux qui ne le sont pas. Si vous ne l’êtes pas, vous laissez un pourcentage sur ce que vous confisquez directement aux basanés ou aux mecs du syndicat qui ne revende qu’aux noirs : Jack Dragna, parrain de la mafia, Benny Siegel le caïd et Mickey Cohen le petit juif de la côte Est. Et vous gardez à l’œil les mecs réguls des autres divisions (les mecs qui veulent que vous vous tiriez pour prendre votre place). Lorsqu’il arriva aux stups en 44, Sonny passa un marché avec Mickey Cohen à l’époque le nouvel outsider des rackets de LA. Le petit gourmand qui montait, Jack Dragna le rital haïssait Mickey le juif et Mickey haïssait Jack. Sonny secoua les puces aux fourgeurs de Jack à Negroville comme l’appelait les racistes du service (la jungle entre Slauson et Alvarado). Mickey l’adorait parce qu’il emmerdait les gars du Jack. Mickey l’emmena dans une soirée d’Hollywood, le présenta à ceux qui avaient besoin d’une faveur de la police et acceptaient d’en payer le prix. Mickey lui arrangea le coup avec une blonde à la cuisse légère dont le mari flic servait dans la police militaire en Europe. Il rencontra Howard Hughes et commença à le fournir en poules : Sonny ramassait des filles de ferme qui rêvaient de gloire et les gardait au chaud dans les baisodromes que le grand mec avait installés à travers tout LA. Ça tournait au quart de poil sur tous les fronts. Mais le bonheur ne dure qu’un temps et la guerre des polices entre le LAPD (à la solde de Dragna le mafieux d’une façon générale) et les hommes du shérif du comté (à la solde de Cohen le petit juif d’une façon générale) obligea le procureur Bob « chambre à gaz » Gallaudet à frapper du poing sur la table juste pour faire bonne figure devant les médias. Et Sonny fit partis de l’écrémage des stups.
Il se retrouva à la brigade criminelle à retourner dans les quartiers paumés de négroville comme disait les hommes du bureau qui faisaient des heures sups avec un drap blanc sur la tête en dehors du service. Sonny se fit une bonne réputation auprès des commerçants du coin. Deux noirs ont braqués un magasin à l’angle d’Avalon et de la 74éme ? Le hasard a voulu que Sonny se trouve au fond du magasin avec un fusil à pompe Remington. Deux mexicains ont braqués un magasin d’alcool à l’angle de Normandie et Slauson ? Le hasard a voulu que Sonny se trouve au fond du magasin avec un fusil à pompe Remington. Deux petits white trash venus d’Oakland pour le week-end ont braqués une blanchisserie chinoise avec un drap blanc klaneske en guise de signature ? Le hasard a voulu que Sonny se trouve au fond d’un magasin avec un fusil à pompe Remington.
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